Joseph Teulère est un cas exemplaire dans l'évolution entre artisans et architectes-ingénieurs à l'articulation des XVIIIe et XIXe siècles. En témoignent non seulement ses réalisations, mais aussi une exceptionnelle lettre autobiographique qui nous servira ici de base de travail. Adressé en mars 1800, au faîte de sa carrière, à un négociant de son village natal qui avait contribué à lui faire apprendre à lire, ce courrier est une véritable profession de foi par laquelle il exhorte les jeunes gens de son village à suivre son exemple : être courageux et de bonnes mœurs, s'instruire continuellement.
Né à Montagnac (Lot-et-Garonne) en 1741, orphelin de père à l'âge de dix ans, il est reçu compagnon passant tailleur de pierre en 1758. Son tour de France stimule sa quête insatiable de connaissances. Devenu appareilleur, il étudie par lui-même les traités d'architecture. La lecture des œuvres de Bélidor l'ayant rendu conscient de ses lacunes en algèbre, géométrie et mécanique, il vient à Paris suivre les cours publics de l'académie d'architecture.
Diplômé en 1776, il est nommé à Bordeaux comme architecte faisant fonction d'ingénieur des bâtiments civils. Il continue d'étudier et devient ingénieur de la marine. En 1786, Teulère présente un projet de surélévation du phare de Cordouan, chantier remarquable qu'il dirigera en 1788-1789.
En 1791, toujours insatiable dans sa quête des savoirs, il décide de devenir également ingénieur-constructeur et, grâce au soutien de Gaspard Monge, il est chargé de la construction de trois navires. Il est enfin nommé en 1800 directeur des travaux maritimes à Rochefort.
Suite à des problèmes de santé, il terminera sa carrière sous un climat plus clément, comme ingénieur en chef des ponts et chaussées à Nice (1804-1812).