Identification de ruptures dans l'histoire du projet constructif numérique au filtre de deux décennies d'archives de Jakob+Macfarlane (1998-2015)
Louis Destombes  1, *@  , Jean-Pierre Chupin  1, *@  
1 : Laboratoire d'étude de l'architecture potentielle, Université de Montréal  (LEAP)  -  Site web
2940, chemin de la Côte-Sainte-Catherine Montréal (Québec) H3C 3J7 -  Canada
* : Auteur correspondant

Le tournant numérique en architecture peut-il déjà être qualifié de révolution en ce qu'il mettrait en crise certains référents épistémologiques de la discipline, en particulier dans leur rapport à la matérialité et à la construction (Picon, 2010) ? Dans l'exposition Archéologie du numérique (CCA, 2013) l'architecte Greg Lynn se permet de revendiquer un regard d'historien sur ces pratiques dont il est un des acteurs. Sur quels principes et par quelles méthodes peut-on rendre compte d'une histoire de la conception architecturale numérique ? Le plébiscite actuellement accordé aux pratiques BIM (Building Information Modeling) ne doit pas éclipser le fait que toute tentative de périodisation reste confrontée à la difficulté d'identifier, parmi le flot des innovations et des discours, ceux qui exerceront un impact à long terme. Ainsi, la trajectoire de la notion de « tectonique », critiquée dès le milieu des années 1990 puis vidée de son contenu symbolique dans les années 2000, ou les résurgences de la notion d'ornement, restent symptomatiques des risques attachés à l'histoire des pratiques constructives contemporaines.

Cette « histoire du temps présent » (Bédarida, 2003) est abordée à partir de trois projets réalisés par l'agence Jakob+Macfarlane entre 1998 et 2015. Si ces projets constituent chacun une exploration particulière articulant procès constructif et fabrication numérique, l'analyse tend à montrer qu'ils relèvent d'un même « projet constructif » consistant à retranscrire la nature géométrique du modèle numérique à travers la structure de l'édifice. Une analyse comparative des détails d'exécution, produits sur deux décennies, vise à expliciter l'évolution des moyens techniques déployés pour contrôler ces transpositions entre figuration et édification. Le fait que ce phénomène – nous parlerons ici de « traductions constructives » – constitue une problématique inhérente à la conception architecturale (Evans, 1986), permet d'inscrire les ruptures identifiées à travers ces cas dans le cadre élargi de l'histoire des processus de conception et de construction.


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