La confrontation d' artisans urbains, d'artisans ruraux et de praticiens savants apparaît lors des réquisitions d'hommes pour les chantiers urbains bretons au XVIII e s. Celles-ci sont déterminantes pour achever plusieurs projets : fortifications, quais, ouvrages d'art... La Modernité fait-elle disparaître ou révèle-t-elle les spécificités de ces acteurs traditionnels, les uns regroupés en jurande et les autres en « métiers libres »? Quelles furent les relations entre leur fonction technique et leur fonction sociale ? Quel rôle eut leur production dans la société et ce rôle a –t-il évolué notamment lors de l'apparition des ingénieurs et de celle des entrepreneurs sous l'Ancien Régime ?
Par hypothèse, c'est lors des situations de rencontres professionnelles que se définissent les rôles et les évolutions des métiers. C'est donc dans le chantier pris comme relais de savoirs et lieux de confrontation sociale, technique et culturelle qu'on est amené à chercher la meilleure détermination des rôles que se donnent eux-mêmes ces acteurs ou donnés par les institutions. Si les élites réduisent les maîtres-artisans à de simples exécutants, la société rurale reconnaît la compétence du maître-maçon et sa prééminence sur le charpentier tandis que des experts locaux valident leur pratique.
Par l'étude des comptes de travaux, devis, prix-faits, la détermination des conditions de ces chantiers, leur fréquence et les situations de brassage professionnel contribuerait à ancrer ces acteurs dits mineurs dans l'histoire sociale et l'histoire des techniques tout en précisant leur capacité d'évolution vers le salariat ou l'entreprenariat. Enfin, quels enjeux donner à ces brassages ? Le but d'accélérer le chantier, d'augmenter le profit concurrencent la formation et l'acculturation des masses à de nouveaux savoir-faire. Recrutement ou réquisition, migrations professionnelles définitives ou saisonnières, aires et réseaux de recrutement dessinent une géographie des flux à même de colorer les rapports ville-campagne de la Bretagne du XVIII e siècle.