La construction du grand pont suspendu de La Roche-Bernard, sur la Vilaine, s'achève à peine en 1839, que les ingénieurs des Ponts et Chaussées et les entrepreneurs, enhardis par ce succès, projettent le franchissement de l'embouchure de la Rance entre Saint-Servan et Dinard, par un ouvrage gigantesque, qui se révèle vite impossible à mettre en œuvre. Ce projet inaugure une longue série de tentatives de franchissement du fleuve côtier, dans sa partie maritime en aval de Dinan. Une autre préoccupation, capter l'énergie des marées, croise bientôt ces projets de franchissement. Dès 1897, des investisseurs privés, proposent, sur le même site entre Saint-Servan et Dinard, la construction d'un barrage équipé de turbines destinées à transformer l'énergie des marées en électricité, tout en permettant le franchissement de l'estuaire. L'investissement serait en partie compensé par le péage perçu au passage du public pendant la durée de la concession sollicitée.
D'autres propositions d'usines marémotrices se succèdent, avec une certaine logique sur les mêmes sites que les projets de ponts, puisque les opportunités topographiques s'y rejoignent. Ainsi, en 1902, l'ancien sous-préfet Robert Surcouf, propose d'établir un barrage muni de turbines à l'emplacement du futur pont Saint-Hubert, près de Plouër-sur-Rance. Immédiatement après la Grande Guerre, c'est à Minihic-sur-Rance, là où plusieurs projets de franchissement se sont succédés (Jouvente et Cancaval) qu'on envisage un ouvrage marémoteur. On connaît la suite provisoire de l'histoire, puisqu'après plusieurs nouveaux projets de franchissement y compris souterrain, l'usine marémotrice de la Rance est finalement construite dans les années 1960, sur le site du premier projet de pont de 1839. L'objet de cette communication est de mettre en relief les interactions de ces deux enjeux majeurs, franchir et produire de l'énergie, dont l'impact se mesure à l'échelle du territoire, et qui se rencontrent exceptionnellement sur ce site.