L'ingénieur militaire en terra incognita : la formalisation de l'expertise de la terre (1668-1750)
Emilie D'orgeix  1, 2@  
1 : U. bordeaux-Montaigne et ENSA Paris-Belleville
Université Bordeaux-Montaigne
2 : Université Bordeaux-Montaigne: ENSAPB  (pas de sigle)
Université Michel de Montaigne - Bordeaux III, Centre FG Pariset, UMR AUSer 3329

Parmi les « matières douces » (Errard, 1604) utilisées par l'ingénieur militaire moderne, la terre crue a peu retenu l'intérêt. C'est oublier qu'au lendemain du traité d'Aix-la-Chapelle (1668), la mise en œuvre des grandes places fortes septentrionales a imposé l'aménagement d'espaces périurbains terrassés et gazonnés de plus en plus vastes. La terre, cette matière meuble, informe et par nature indisciplinée, devient, dès lors, le matériau princeps de ces titanesques travaux de « remuement « (75 000 toises transportées à Ath, 78 000 à Menin...).

Si les lieux et les formes de cette construction matérielle sont aujourd'hui connus (Destable, 2004), les temporalités et les modalités de la formalisation savante de la maîtrise de la terre n'ont jamais été précisées. Le décalage qui sépare l'ingénieur militaire du milieu du XVIIe siècle de son successeur, qui œuvre un siècle plus tard, est pourtant immense. Alors qu'en 1750 les ingénieurs possèdent un corpus d'écrits techniques explicitant les modes de calculs de déblai-remblai et d'organisation des chantiers (Vauban, 1697-1701 ; Bélidor, 1729 ; Cormontaigne, 1741...), leurs prédécesseurs ne disposent qu'un maigre bagage d'écrits.

Reprenant le fil de travaux récents (Pestre, 2015, Van Damme, 2015), cette intervention se propose d'explorer les modes de formalisations de l'appropriation de la terre par les ingénieurs militaires (XVIIe siècle- XVIIIe siècle). Elle visera, d'autre part, à informer des modes de formalisation par écrit (tables de calculs, schémas...) de travaux touchant une matière longtemps rétive au mode figuré et dont la maîtrise se transmettait généralement par le geste et l'oralité (Salamagne, 2001). Elle tentera d'illustrer, d'autre part, combien l'Histoire naturelle (Bourguet, 2015 ; Spary, 2005) a pu constituer un modèle fondateur pour les ingénieurs militaires. Elargissant le spectre des champs disciplinaires, elle visera, en définitive, à apporter de nouvelles perspectives de décloisonnent à un champ de l'histoire de la construction trop souvent circonscrit à l'unique étude des militaria.

 



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