Moins étudiée que les programmes antérieurs d'incitation à l'industrialisation de l'habitat, la politique dite « des modèles » lancée en 1968 par le Ministère de l'Équipement et du Logement – puis après 1971 des « modèles-innovations » – en constitue une nouvelle étape visant à plus de modularité dans l'application des procédés constructifs. L'abaissement des coûts n'est plus attendu de l'application de masse de ces derniers, mais doit pouvoir s'apprécier à l'échelle de chaque unité. Le « modèle » est un projet conception-construction de logement élaboré par une équipe réunissant architectes, bureaux d'études et entrepreneurs, dont les caractéristiques sont à ce point définies qu'elles permettent de fixer un engagement de prix (incluant jusqu'aux différents postes du second œuvre). Examinés et agréés par Ministère de l'Équipement, ces modèles apparaissent comme des solutions « prêtes à construire ».
L'agence de l'architecte Jean Ginsberg, le bureau d'études Omnium Technique OTH et les entreprises Fougerolle et Petit, conçoivent successivement deux modèles, TECTON et ARTEC, respectivement agréés en 1969 et en 1972, mis en œuvre l'un et l'autre dans plusieurs opérations de logements en région parisienne. Examinée au filtre des chantiers et des recherches de cette équipe, la « politique des modèles » laisse apparaître l'ambiguïté de ses principes. En effet, les réalités financières des opérations induisent parfois un surcroît d'études complémentaires dans une série d'itérations entre les acteurs, pour ne pas sacrifier la qualité des édifices aux « restrictions » économiques. Épisode imprévu d'une opération censée consister en la simple application du « modèle », ces dernières en déplacent radicalement le sens vers une logique de perfectionnement de la mise en œuvre.
Dans quelle mesure la genèse des modèles s'apparente-elle à la maturation d'un procédé de conception-construction, s'appuyant des contraintes propres à susciter l'innovation à la croisée des techniques constructives, de l'architecture et de l'économie ?