Le Collège du Saint-Esprit à Bujumbura, Burundi, compte parmi les édifices les plus remarquables construites en Afrique Centrale pendant l'époque coloniale. Conçu d'après les plans de l'architecte Roger Bastin et réalisé entre 1953 et 1961, l'historien d'art Udo Kultermann le mentionnait déjà dans son bilan Neues Bauen in Afrika, publié en 1963. L'importance du complexe, situé dans les collines surplombant la ville de Bujumbura et conçu pour une population de 400 élèves, s'explique par son statut privilégié au sein de la politique d'enseignement appliqué par la Belgique dans le territoire sous tutelle qu'était le Burundi à l'époque. Le collège, qui était dirigé par des pères jésuites, fonctionnait en effet comme la première école secondaire où était éduquée l'élite future de l'Afrique belge.
Dans cette contribution, nous retraçons la chronique particulière du chantier du collège, qui a été réalisé avec des moyens plutôt modestes bien qu'il s'agissait d'une édifice de prestige dessinée dans une architecture résolument moderniste. Le chantier était supervisé par une frère-bâtisseur de la congrégation des Pères Blancs, Engelhemus Supersaxo, qui à lui seul dirigeait une équipe de parfois 300 travailleurs africains. Vue cette mode de production, on ne peut qu'être frappé par l'élégance des structures en béton, qui témoignent du talent et l'inventivité de Supersaxo. S'appuyant sur l'intense correspondance entre client et architecte, qui couvre la durée totale de la réalisation, ainsi que sur une vaste documentation visuelle (plans, photos, films), nous allons démontrer comment le chantier du Collège du Saint-Esprit fonctionnait comme lieu de formation et s'inscrivait ainsi dans un projet de prosélytisme catholique, aussi bien que dans un projet de colonialisme tardive, qui visaient à émanciper la population locale non seulement à travers l'enseignement mais aussi à travers l'apprentissage du travail manuel et de métiers de construction.