L'architecture milanaise du XVIIIème siècle est marquée par l'influence d'éminents patriciens, bibliophiles et collectionneurs dont la formation et les relations se projettent au delà du milieu cultivé de la ville et de l'horizon de sa prestigieuse Académie des Beaux Arts. Ils orientent aussi les architectes (G. Piermarini, S. Cantoni, L. Pollack) et les artistes (G.Albertolli, A.Gerli) dans l'élaboration de projets avancés soit dans les choix constructifs soit dans le langage architectural. Dans les bibliothèques de ces nobles dilettantes et de leurs architectes figure un noyau significatif de textes français qui comprend les traités de stéréotomie. La stéréotomie rentre aussi dans l'enseignement des mathématiques appliquées dans les collèges.
La construction en briques laisse apparemment deviner de traces assez minces de ce savoir : la construction en pierre est feinte par l'enduit dans des petits bâtiments exemplaires. Ainsi Alberico di Belgiojoso fait bâtir par Simone Cantoni la porte de Filighera, un de ses fief, où sont représentés les artifices de l'art du trait – des arrières voussures aux voûtes. L'arc en mémoire de sa femme, Anna Ricciarda d'Este, à l'entrée du domaine de Corte Sant'Andrea (1782) réplique un célèbre modèle du XVIIème siècle, la porte Saint Martin à Paris, par Bullet et renvoie ainsi aux séjours parisiens du Prince.
L'architecte, Simone Cantoni, fait large usage des procédés stéréotomiques pour dessiner les voûtes complexes de ses bâtiments, et ce sont ces aspects moins voyants qui marquent l'évolution du projet architectural. La pierre, limitée jusqu'alors aux colonnes et rarement aux entablements et aux corniches des fenêtres et portes, commence à être employée dans une véritable construction stéréotomique (par exemple, le portique du Palais Moriggia, depuis 1772). Au tournant du siècle dans les portes de la ville vraie et fausse stéréotomie s'intègrent sous de l'influence du trait de l'”architecture révolutionnaire” qui passionne la génération suivante.