Depuis la révolution industrielle l'usine a été un lieu hautement contesté. Qui donne à l'usine un statut d'icône de la modernité mais aussi de sa critique. L'environnement polémique dans lequel naît l'usine en fait l'objet d'une recherche continue, aboutissant finalement à une théorie sur l'« Usine Idéale », qui s'articule dès le début de XXe siècle dans des bâtiments en béton dont la conception se base sur la rationalisation et l'économie totale. Nous proposons d'examiner la diffusion et l'adaptation de ce modèle depuis les Etats-Unis jusqu'en Europe et en Afrique à travers le cas de l'entreprise Bata. Si les projets BATA pour ses usines et villes ouvrières innovantes en Tchécoslovaquie sont entretemps bien documentés, notre contribution mettra en avant une production ignoré qui résulte de l'extension de ses activités vers l'Afrique.
En mettant en avant le cas d'une usine BATA à Kinshasa, RD Congo, édifice construite en 1962, nous visons à démontrer à quel point le modèle de « l'Usine Idéale » change dans ce processus d'exportation, afin de s'adapter à des conditions locales. S'appuyant sur des documents du fonds de l'entreprise de construction belge, Blaton-Aubert, actif au Congo depuis 1949 à travers sa branche la Compagnie Congolaise de Construction (CCC), notre contribution illustra l'application d'une technique particulière du béton précontraint, développé vers le milieu des années 1940 en Belgique, dans un autre contexte. En effet, les calculs et descriptions de l'ingénieur belge, Jacques Robin, les dessins techniques de la CCC et les rapports de chantier, nous permettent d'évaluer en détail les différences de conception de la structure. C'est en effet à travers l'usage d'éléments préfabriqués de petite taille, soumis à la post-tension, réalisé et mis en place avec des moyens plutôt modestes et un main d'œuvre non-qualifié, que « l'Usine Idéale » trouvera sa forme en Afrique Centrale.