Dans la première moitié du XVIIIe siècle, la croissance démographique et la volonté des souverains d'accroître le prestige de la capitale du royaume furent le moteur d'une période de renouvellement urbanistique de Turin, qui attira maîtres-maçons, maîtres-charpentiers et entrepreneurs des communautés des Alpes du nord-ouest. L'arrivée à Turin constituait une des étapes d'un voyage vers les autres chantiers du Piémont : Turin représentait le centre de négociation des contrats publics signés entre les entreprises et les commanditaires.
L'histoire de la construction à Turin au XVIIIe siècle croise celle des parcours migratoires de ces entrepreneurs, arrivés des villages alpins pour travailler dans la capitale et les forteresses du royaume du Piémont et capables de s'imposer sur le marché des commandes publiques. Les contrats signés par la Régie des Bâtiments, chargée de la gestion des chantiers royaux, nous introduisent dans cet univers au moment où les métiers définissent leur champ d'action, les alliances professionnelles déterminent les succès de certains entrepreneurs et les chantiers sont traversés par une forte conflictualité.
A partir de l'analyse des contrats publics, cette contribution vise à reconstruire le réseau de liens professionnels que les entrepreneurs surent construire, en montrant leur capacité à élargir leur espace social, en multipliant leurs opportunités professionnelles. L'analyse des contrats nous aide aussi à mieux comprendre la contribution de Filippo Juvarra à la définition des compétences professionnelles, tandis que le transfert de connaissances des entrepreneurs à l'architecte lui donnait accès au savoir local.
L'achèvements des chantiers de Juvarra à Turin, la participation à la guerre de succession d'Autriche et le déplacement des ressources financières des chantiers turinois vers les chantiers militaires du territoire piémontais furent à l'origine des conflits qui traversèrent les chantiers urbains et que la documentation des confréries et des tribunaux de la ville nous aide à reconstruire.